À l'origine, cette propriété faisait partie intégrante du prieuré bénédictin Saint-Pierre et Saint-Paul, fondé à la fin du XIe siècle. Après la Révolution, la propriété est divisée en deux. Une partie du jardin et le logis abbatial sont achetés par la famille Foucques d'Emonville. Le terrain est alors entièrement réaménagé en un vaste jardin à l'anglaise qui sert à assouvir la passion de son dernier propriétaire, Arthur Foucques d'Emonville, pour l'horticulture et la botanique.
En 1861, M. D'Emonville fait construire un hôtel particulier au cœur de son jardin. Il fait appel à l'architecte Hector Lefuel, qui vient d'achever les travaux du Louvre. Lefuel réinterprète ici les codes de l'architecture antique. En 1880, au décès d'Arthur d'Emonville, ses héritiers cèdent la propriété à la ville d'Abbeville. L'hôtel d'Emonville va alors abriter successivement le musée d'Abbeville et du Ponthieu, l'hôtel de ville de l'Occupation à 1960, puis la bibliothèque municipale. Depuis 1994, le bâtiment accueille aujourd'hui les archives et la bibliothèque patrimoniale d'Abbeville, au cœur d'un jardin d'agrément de deux hectares.
Trois siècles d'histoire du patrimoine écrit et graphique...
- 1643, les origines :
- La première bibliothèque municipale d'Abbeville, est fondée en août 1643, par Jean de Boulenois, principal du collège, qui offre la totalité de sa bibliothèque personnelle à l'échevinage. Mais, c'est le legs d'un autre ecclésiastique, Charles Sanson, curé de Saint-Georges, qui permet la création, en 1685, de la première bibliothèque publique.
- En 1718, le legs du docteur François Dargnies facilite l'achat d'un local grande rue Notre-Dame. Tout au long du XVIIIe siècle, d'importants dons, principalement constitués de livres de théologie et de jurisprudence, viennent enrichir les premiers dépôts.
- Période révolutionnaire, un constat nuancé :
- Pendant la Révolution, le fonds de la bibliothèque est transféré dans les dortoirs du collège ; il y côtoie les ouvrages confisqués aux établissements religieux et aux émigrés. Un nombre considérable de livres provenant principalement des abbayes de Valloires et de Saint-Riquier, du couvent des minimes d'Abbeville et de certaines maisons religieuses de l'arrondissement viendra accroître les collections municipales.
- Dans le même temps, alors que certaines lois tendent à assurer la conservation des archives locales (du 5 novembre 1790, du 12 février 1792 et du 22 juillet 1793), d'autres lois (notamment celles du 24 juin 1792 et du 17 juillet 1793) sont édictées en réaction à l'ancien régime et aboutissent à la destruction des titres généalogiques ou de noblesse, des titres constitutifs ou récognitifs des droits féodaux, des chartes anciennes, etc.
- À Abbeville, des brûlements importants d'archives communales retirés des fonds de l'hôtel de ville ont lieu sur la place d'Armes en août et décembre 1793.
- XIXe siècle, l'accroissement des fonds :
- En 1821, les collections, qui avaient été déplacées en 1816 dans la salle d'armes de l'hôtel de ville, voient leur espace s'agrandir à tout l'étage en façade. C'est dans ce cadre original que la bibliothèque prend son essor, sous la conduite attentive et fervente de bibliothécaires et archivistes comme François-César Louandre, Alcius Ledieu, Henri de Florival, Marcel Godet, etc.
- Dès la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu'au XXe siècle, des dons considérables vont affluer, multipliant les fonds par quatre. Citons les importantes collections de MM. Cordier, Morel de Campennelle, Tillette de Clermont Tonnerre, Riencourt, Ricquier, Anvin de Hardenthun, Prarond, Vayson, Macqueron, Crusel...
- L'achat par la municipalité, en 1880, de l'hôtel d'Émonville et de ses dépendances, permet l'ouverture en 1885 d'une nouvelle bibliothèque rue des Capucins à l'emplacement des anciennes écuries et des communs de l'hôtel particulier. En 1890, elle est riche de 32 000 volumes.
- 1940, les destructions :
- Les terribles bombardements du 20 mai 1940 voient la destruction de la quasi totalité des archives anciennes de la ville. Celles-ci étaient en cours d'évacuation lorsque les bombes incendiaires tombèrent, détruisant l'hôtel de ville et les camions remplis de leur précieux chargement.
- Le 4 juin 1940, une bombe explosive détruit la partie centrale de la bibliothèque - rue des Capucins, rendant le bâtiment impraticable. Les collections de livres, qui ont relativement peu souffert, sont évacuées.
- La bibliothèque ouvre de nouveau au public le 1er janvier 1943. En 1946, elle est transférée 11 rue des rapporteurs, dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle. Ce local provisoire, peu confortable et exigu, ouvre ses portes le 29 juin 1946. Il abritera la bibliothèque pendant près de 20 ans.
- Dès 1965, l'hôtel d'Émonville :
- En octobre 1960, l'achèvement du nouvel hôtel de ville et le départ des services municipaux de l'hôtel d'Émonville permet la remise en état et la finalisation des travaux d'aménagement pour accueillir la bibliothèque. Le transfert des collections s'effectue en mai 1964 et la nouvelle bibliothèque ouvre ses portes le 5 janvier 1965.
- La création, en 1985, d'une annexe dans la galerie marchande du centre commercial hyper-u (aujourd'hui médiathèque Jacques Darras) et la construction, en 1995, de la bibliothèque Robert Mallet, 6 rue des Capucins, voient le transfert des ouvrages en libre accès dans les sections adultes et jeunesse.
- Aujourd'hui, l'hôtel d'Émonville abrite les fonds patrimoniaux et locaux de la bibliothèque municipale qui est riche de plus de 160 000 documents.
- 2012, création du service d'archives :
- En avril 2012, la ville d'Abbeville crée un service d'archives afin de répondre aux obligations légales en matière de conservation des archives publiques, dans un souci de transparence, d'accès aux documents et de valorisation patrimoniale.
- Le service est installé à l'hôtel d'Émonville avec la bibliothèque patrimoniale. Les archives ayant échappé aux bombardements du 20 mai 1940 sont consultables dans la salle de lecture mutualisée au rez-de-chaussée. Les archives contemporaines font l'objet d'un vaste plan de maîtrise qui permettra d'identifier les documents devant être conservés pour des raisons légales et/ou historiques.
- Quelques chiffres :
- 800 m² de réserves où sont protégées les collections constituées depuis le XVIIe siècle.
- Plus de 40 000 documents graphiques dont la fameuse collection Oswald Macqueron.
- 4,5 km de rayonnages accueillant archives, livres et documents graphiques.
- Plus de 160 000 documents que vous pouvez consulter au sein de l'hôtel d'Émonville.
- 2 km d'archives plus récentes sont également conservées sur les différents sites de la commune.
- Les collections :
- Les manuscrits : La bibliothèque d'Émonville compte actuellement 972 manuscrits. Le plus précieux, les évangiles de Saint-Riquier, est également l'un des manuscrits les plus rares d'Europe. Il fait partie d'un groupe très restreint de livres d'église d'apparat appartenant à la première école palatine, localisée à Aix-la-Chapelle, qui se développa à la fin du VIIIe et au début du IXe siècle sous l'impulsion de l'empereur Charlemagne. Ce manuscrit sur vélin pourpre, écrit en lettres d'or, fut réalisé entre 780 et 800. Il fut offert en l'an 800 par Charlemagne à Angilbert, son conseiller, alors comte-abbé de l'abbaye de Saint-Riquier. Parmi les manuscrits enluminés, outre les nombreux livres d'heures des XIVe et XVe siècles, citons l'évangéliaire de Saint-Vulfran, acquis à la fin du XVe siècle par les chanoines lors de la construction de la collégiale, remarquable par la finesse des ors de ses encadrements et la fraîcheur des coloris des enluminures. D'autres documents manuscrits viennent également enrichir l'histoire locale, tels les manuscrits généalogiques Lefebvre du Grosriez, l'armorial de Waignart, la correspondance de boucher de Perthes, les pièces léguées par Ernest Prarond etc.
- Les imprimés : La bibliothèque comprend plus de 75 000 volumes imprimés. Le fonds des imprimés anciens se distinguent par 54 incunables dont les plus précieux pour Abbeville sont ceux imprimés dans cette ville par Pierre Gérard : la somme rurale de Jean Boutillier (1486) et les deux tomes de la cité de dieu de Saint-Augustin (1486 et 1487). À côté de ces premiers témoins de l'art typographique, mentionnons les angoysses douloureuses qui procèdent d'amour (1538), premier roman sentimental de la littérature française, écrit par l'abbevilloise Marguerite Briet, sous son nom de plume : Hélisenne de Crenne. Notons également un ouvrage célèbre dans l'histoire du livre, le songe de Poliphyle (Paris : Kerver, 1546) illustré de remarquables gravures sur bois. De nombreuses autres éditions du XVIe au XVIIIe siècle portent le nom d'imprimeurs connus : Alde, Simon de Colines, Estienne, Barbin... Littérature, histoire, géographie, beaux-arts, théologie sont les thèmes les plus représentés dans les collections mais l'évocation d'importantes donations, notamment au XIXe siècle, permet de mettre en avant les ouvrages d'ornithologie (don Duchesne de Lamotte) ; de botanique (don Tillette de Clermont-Tonnerre) ; d'entomologie (don Lefébure de Cerisy) ; d'héraldique (don de Riencourt), etc.
- Les reliures précieuses : La bibliothèque renferme des reliures d'un très grand intérêt : on y remarque des volumes reliés pour Louis XII, pour Henri III et de nombreuses reliures armoriées portant les armes de Louis XIV, Louis XV, du cardinal de Richelieu, de Trudaine, de Barillon d'Amoncourt, de Paul Pétau, etc.
- Les fonds iconographiques : La collection Oswald et Henri Macqueron consacrée principalement au patrimoine monumental du département de la somme retrace le passé qui s'anime au travers de 15 000 aquarelles, dessins, gravures, cartes et plans. Les 8 albums de la collection Delignières de Saint-Amand et de Bommy concernant Abbeville et ses environs regroupent des aquarelles et dessins originaux exécutés à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Le fonds de cartes postales locales est complété par l'importante collection Robert Mallet comptant près de 11 000 cartes postales sur la Première Guerre mondiale. Le legs Marius Martin rassemble eaux fortes, bois gravés, dessins, aquarelles et diverses études au crayon, encre et lavis. Une partie du don brosse un portrait délicat d'Abbeville pendant la Première Guerre mondiale, période où l'artiste a séjourné dans la ville. D'importantes acquisitions de documents photographiques viennent compléter l'histoire contemporaine d'Abbeville.
- Les périodiques : Le fonds de périodiques regroupe 640 titres, dont les journaux locaux depuis leur origine. Parmi eux le mémorial d'Abbeville, l'abbevillois, le pilote de la Somme, le journal d'Abbeville, le courrier picard, etc. Notons les almanachs et annuaires notamment ceux d'Abbeville et du département de la Somme.
- Le fonds local : Le fonds local rassemble les documents qui traitent d'une manière ou d'une autre d'Abbeville et de sa région. La bibliothèque accroît son fonds local en achetant des documents portant sur l'aire géographique considérée, sur tout type de support : livres, périodiques, dossiers de presse thématiques, littérature grise, prospectus, tract, cartes, plans, photographies, films, musiques, etc.
- Les fonds numérisés : Plus de 30 000 documents iconographiques conservés dans les collections de la bibliothèque municipale ont été numérisés et sont consultables en ligne sur le site de la ville d'Abbeville. De même, les sites Gallica et BVMM (bibliothèque virtuelle des manuscrits médiévaux), créé par l'IRHT (institut de recherche et d'histoire des textes) hébergent les numérisations de certains des manuscrits et incunables médiévaux de la bibliothèque municipale d'Abbeville.
- Horaires d'ouverture de la salle de lecture (consultations sur place) : Mardi de 14h à 18h, jeudi de 14h à 18h, vendredi de 14h à 18h.
- Horaires d'ouverture pour les visites d'expositions et le prêt de livres : Du mardi au samedi de 14h à 18h.
- Adresse : Hôtel d'Émonville - Place Clemenceau - 80100 Abbeville.
- Email : archives@abbeville.fr - Tél. : 03 22 24 95 16.