- Histoire des Mées :
- La ville des Mées semblerait tenir son nom du latin metae (cône, pyramide, borne), étymologie plus que probable en regard de la forme des rochers qui la dominent.
- Du confluent de la Bléone à la rive gauche de la Durance, le pays des Mées est tout entier dans cette vallée, bordée de plateaux, marquant les passages de la Durance au cours des temps géologiques. Les premières traces de civilisation découvertes jusque là, remontent au néolithique, époque où les hommes deviennent paysans ou bergers et se sédentarisent.
- Les celto-liguro gaulois ont vu arriver les romains, qui pour communiquer à travers leurs empire ont tracé des routes, telle que la voie domitienne reliant l'Italie à l'Espagne qui passe sur la rive droite de la Durance.
- Dès le cinquième siècle, pour se protéger des invasions, les habitants se regroupent au flanc des rochers autour de la chapelle Saint-Roch. Des églises se construisent ainsi que deux prieurés (aujourd'hui disparus). Reste la première église paroissiale appelée aujourd'hui Saint-Roch ainsi que Notre-Dame de l'Olivier érigée au quinzième siècle.
- En 1350, le territoire des Mées est inféodé par la reine Jeanne à Guillaume Roger de Beaufort. Les guerres de religions entraîneront de graves destructions. En 1562, l'église Saint-Félix est rasée, Notre-Dame de l'Olivier en partie brûlée et le château détruit en 1575. Au cours de ce XVIe siècle, la communauté va racheter tous ses droits. Libérée, dès 1574, elle élit un député pour la représenter à l'assemblée des états de Provence.
- Dès lors, la paix revenue, la ville ne cesse de se développer au-delà de ses remparts. Mais une menace naturelle pèse sur la ville et elle est ravagée, lors des gros orages, par le torrent de la Combe. La communauté, avec l'aide financière de Benoit Salvator, se lance entre 1782 et 1788 dans le percement d'un tunnel "la mine" à travers les rochers sur 300 mètres finissant par un barrage, chantier utopique et qui grèvera les ressources de la province dont l'efficacité était loin d'être parfaite. Finalement, ce n'est qu'à la fin du XIXe, que le problème sera simplement résolu par le reboisement des collines environnantes.
- Pendant ce siècle, la densité de la population atteint son maximum et toute la terre est mise en culture. C'est ainsi qu'au domaine de Paillerols est installée la ferme école départementale enseignant les nouvelles techniques où entre 1865 et 1870 Louis Pasteur séjournera pour ses recherches contre la maladie des vers à soie. Et pour faciliter les communications, un pont sur la Durance est construit en 1843.
- De nos jours, les bonnes terres alluvionnaires et l'irrigation en pleine essor, font du pays des Mées un territoire agricole productif (pommes, abricots, pêches), sans oublier les oliviers, implantés au départ par les romains, dans les terrains perméables et secs au pied des collines, et sur les hautes plaines, les champs de lavande, de sauge et d'hysope alternant avec le blé et l'orge, qui sont un ravissement de couleurs et de senteurs vers la saint Jean.
- La légende des Pénitents :
- Les rochers des Mées avec leur alignement et leur forme n'ont pas manqué d'intriguer les hommes. Aussi, les poètes et les conteurs s'en sont donnés à coeur joie. Voici la légende des pénitents...
- "Cela se passait au temps où les sarrasins envahissent notre pays. Quelques seigneurs du voisinage dont Rimbaud des Mées décidèrent de les attaquer. Par une nuit sans lune, les seigneurs eurent raison des envahisseurs. Mais, au matin, quel ne fut pas leur étonnement lorsqu'ils trouvèrent dans une grande chambre, sept belles mauresques effrayées qui demandent grâce. Il n'était pas question de les tuer, les chevaliers ne tuent pas les dames. Et il fut décidé que Rimbaud se chargerait de les expédier par radeau sur la Durance jusqu'en Arles. Il rentra chez lui avec ses captives, belles mauresques aux grands yeux noirs, qui ravivèrent en lui des passions bien humaines. Prétextant la grosseur de la Durance, il repoussa le départ des belles et ce qui se passa dans sa maison pendant ces jours, personne ne le sut jamais. Mais, la situation tourna vite au scandale et le prieur de Paillerols décida d'aller parler à Rimbaud. Il fut renvoyé sans ménagement. Alors, pour avoir la paix et fuir la "gent féminine", jalouse du pouvoir de ces femmes à la peau presque noire, il décida de changer de lieu et vint s'installer aux Mées dans son château. Mais, cela fut vite découvert et le prieur de Paillerols, avec le prieur de saint Michel cette fois, revint à la charge. La conversation fut animée, et le prieur, à bout d'arguments, brandit l'arme de l'excommunication. Rimbaud comprit là qu'il s'attaquait à plus fort que lui, et malgré sa peine car il s'était attaché à ses belles mauresques, il céda. Le prieur, tenant sa revanche, décida que les sarrasines seraient conduites à la Durance le dimanche suivant. Ce jour dit, la population rassemblée sur les chemins, et les moines de Paillerols et de saint Michel sur les collines un peu plus haut, regardèrent les sept mauresques sortir du château. De profonds murmures d'admiration couraient dans les rangs… et chez les moines, les coeurs battaient sous les scapulaires. Qu'allait-il arriver ? Le danger était latent. Mais, de l'autre côté de la Durance, le grand saint Donnat, l'ermite de Lure surveillait ses ouailles et comprit que la situation était grave. Aussi, pour préserver du pêché les moines, il prit l'initiative de les pétrifier tous sur place dans leur robe de bure. Et aujourd'hui encore, on peut voir le prieur qui a conservé sur sa poitrine sa croix". Bien entendu, c'est une légende.
- Formation des rochers :
- Selon une étude faite en 1979 par monsieur Hubert Mercier, alors maître-assistant au laboratoire de géologie appliquée de l'université de Provence, la formation des "Pénitents des Mées" s'intègre dans celle des "Poudingues de Valensole", qui remonte à l'ère quaternaire, il y a environ 3 millions d'années. C'est une formation de type conglomératique dont l'aspect actuel est schématiquement le résultat de 3 phases essentielles : Érosion : par circulation d'eaux superficielles et latérales qui affouillent le versant abrupt et donnent naissance à des écoulements en cascades juxtaposées. Sédimentation : lors de la période froide la plus intense du quaternaire, les chenaux précédemment créés sont comblés par des dépôts provenant des éluvions (produits non évacués de la décomposition sur place des rochers) de la surface du plateau. Érosion : L'érosion récente entraîne le déblaiement de ces éléments et de leur élimination, séparant ainsi les colonnes de poudingues et les mettant en évidence.
- Les rochers se sont progressivement façonnés, modelés durant toute cette période dans la masse de poudingue pour apparaître droits. Les paléo-rivières venant du nord, aux cours torrentiels ont apporté des roches, des sables, des argiles arrachés par une intense érosion, aux Alpes nouvellement soulevées. Cette accumulation s'est produite pendant 15 à 20 millions d'années à la fin du tertiaire (miocène supérieur et pliocène). L'épaisseur varie alors de 800 à 1200 mètres par endroits. Avec le temps et la pression, cette masse s'est solidifiée pour former le poudingue.
- Au cours de l'ère quaternaire, ces dépôts ont été érodés par les eaux de ruissellement, les rivières, le gel, phénomène naturel qui se poursuit toujours et finit par provoquer des vallées, des vallons, des collines.
- Dans le même temps, les eaux de la Durance forment sa vallée, déposent des alluvions, rongent le poudingue. L'énorme masse a résisté, s'est dégagée, et par le biais des eaux de pluie et du gel, a produit des couloirs et des fissures ciselant les rochers actuels.
- Histoire géologique des rochers :
- C'était il y a 25 millions d'années (ère tertiaire) : La faille de la Durance d'axe nord-sud joue à nouveau et élève cette fois-ci le côté ouest (Forcalquier, Manosque, Apt). Contre cette élévation, butent les anciennes rivières (appelées : Paléo Durance, paléo Bléone, paléo Asse, paléo Verdon et une rivière qui venait de l'Estérel…). Plus au nord, naissent les Alpes (Pelvoux, Queyras…), aussitôt attaquées par l'érosion.
- Ces blocs arrachés, roulés et devenus galets s'accumulent dans un delta de 60 km de long et de 30 km de large (zone du plateau de Valensole : Volonne, Digne, Riez, pont de Mirabeau) et sur les épaisseurs considérables (sommet de Rupt : 1400 m, les Mées : 600 à 800 m). Le calcaire, dissout dans l'eau, se cimente avec un grès très dur, et la roche ainsi formée constitue le poudingue. Ces dépôts s'arrêtent il y a environ deux millions d'années.
- Au niveau du village des Mées, une zone de poudingue est beaucoup plus dure qu'ailleurs. Elle résiste à la fois à l'érosion (gel, pluie) et à la Durance qui coule à ses pieds et affouille le flanc ouest pour faire apparaître une paroi verticale. Les eaux pluviales dégagent les futurs rochers. L'alternance de périodes glaciaires et de pluies diluviennes entraînent une paroi verticale. Les eaux de ruissellement usent la roche en profondeur et agrandissent les fissures préexistantes. Peu à peu les rochers se transforment en pénitents. Aujourd'hui l'érosion continue même si elle est moins vive.