Fleuron du patrimoine du XVIIIe siècle, le château de Digoine demeure le témoin d'un riche et long passé. S'inscrivant comme la première des quatre baronnies du Charolais, ses seigneurs tinrent une place prépondérante à la cour des ducs de Bourgogne.
L'histoire du château remonte à 1390 lorsque Robert de Damas épouse Marie de Digoine, l'ultime représentante de la famille. Sous le nom de Damas de Digoine, ils firent ériger les imposantes tours de la façade nord, octroyant à l'édifice ses premiers éléments défensifs. Puis, au bout de l'esplanade Sud, deux autres tours reliées par des douves sèches viendront encadrer la grille d'honneur et achèveront d'intégrer le château à l'ère médiévale.
Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que le château de Digoine évolue en logis d'agrément et adopte son apparence définitive. Cette transformation est impulsée par les Reclesne, une riche famille nivernaise qui après avoir rachetée les terres du domaine se met à rêver d'un renouveau plus fastueux. Ainsi, en 1723 sont entrepris les premiers travaux de reconstruction ; ces derniers se poursuivront durant presque cinquante ans.
En 1750, à mi-parcours, la famille de Reclesne fait appel à l'architecte bourguignon Edmé Verniquet. Connu pour avoir fait rayonner les châteaux de Saint-Aubin-sur-Loire, de Lugny-lès-Charolles ou du Vigneau à Bourbon-Lancy, Verniquet accepte de mettre son talent au service de la famille de Reclesne. D'abord il modèle la façade Nord dans un style baroque d'influence Louis XIV, ornant l'ensemble d'un très bel avant corps central et de magnifiques mascarons. Ensuite il érige la somptueuse façade Sud dans un schéma particulièrement reconnaissable : sur le corps central, trois portes-fenêtres en façade d'entrée encadrées à gauche et à droite de trois autres fenêtres avec un fronton installé au sommet. Tout cet ensemble reflète l'évolution de l'architecture française de l'époque.
Au début du XIXe siècle, le mariage du comte Aimé de Chabrillan, Grand Chambellan de France de Napoléon Ier, et de la comtesse Zéphyrine Olympe de Choiseul Gouffier vient sceller la transmission du domaine à la famille de Chabrillan. Evoluant dans un faste éblouissant, les nouveaux propriétaires poursuivent les travaux d'embellissements initiés par leurs aïeux. Marqueur incontestable de la suprématie économique, sociale et politique de ces derniers, Digoine se développe de façon spectaculaire entre 1825 et 1842. En effet, une serre de plantes exotiques équipée d'un chauffage au sol d'une rare modernité, une bibliothèque en loupe d'orme et un petit théâtre privé viendront s'ajouter à un patrimoine déjà conséquent. En outre, de fabuleux décors, dont l'un du sculpteur Clodion, sont installés dans les salles majestueuses du château.
En 1908, la marquise de Croix achète le domaine pour son fils Pierre qui le transmet ensuite sur trois générations. Mais en 2012, des problèmes d'indivision oblige la famille à vendre. Se portant acquéreur, Jean-Louis Rémilleux, actuel propriétaire, rachète, dans un premier temps, le château vide puis, dans un second temps, les éléments historiques qui le composaient ; cela lors d'une grande vente aux enchères à Paris. D'autre part, en passionné d'objets anciens, il ajouta ses propres collections dans les salles majestueuses du château, veillant scrupuleusement à ce que chaque élément soit cohérent avec l'époque de la pièce dans laquelle il se trouve. Enfin, il entreprit d'importants travaux afin de rendre à cette "Perle du Charolais" son éclat d'autrefois.
Étendu sur 35 hectares, le domaine de Digoine se compose d'une multitude d'espaces aux aménagements spécifiques. Ces derniers offrent aux visiteurs différentes ambiances propices à la contemplation à la flânerie ou la méditation.
L'esplanade Sud : Un double alignement de platanes, de chênes d'Amérique et de tilleuls encadre l'allée sud qui constituait jadis l'accès principal du château de Digoine. Au Moyen Âge, un pont-levis enjambant les douves remplaçait le grand portail actuel. Une fois entré, des topiaires d'ifs délimitent le chemin menant à la cour d'honneur. Ces éléments furent replantés par le propriétaire actuel. Classé Monument Historique, le tracé au contour de l'espace en herbe est signé du célèbre architecte paysagiste Achille Duchêne.
Le parterre 1920 d'Achille Duchêne : Restauré à l'identique de celui d'origine, le parterre agrémentant la partie avant de la serre est également l'œuvre d'Achille Duchêne. Il fut dessiné à la demande du Comte de Croix, propriétaires du domaine de Digoine tout au long du XXe siècle. Les rosiers tiges que l'on peut y admirer aujourd'hui correspondent à la variété "Jardin de Granville". Les buis présents dans les jardins sont traités au bacillus thuringiensis, une bactérie naturelle.
La serre : De fer et de verre, la serre fut construite en 1830 à la demande des Chabrillan afin d'y cultiver des espèces végétales qui n'auraient pu s'acclimater à la région. Bâtiment particulièrement onéreux, la démarche consistant à dépenser des sommes importantes dans le but de détenir un pouvoir sur la nature faisait de la serre un symbole de réussite sociale. Particulièrement moderne pour l'époque, une chaudière installée en sous-sol diffusa jusqu'au XXe siècle la chaleur via des tuyaux sous des tablettes. Restaurée en 2008, la serre abrite aujourd'hui la collection de plantes du propriétaire. S'y trouvent, entre autres, des pamplemoussiers, des citronniers et un gigantesque agave.
La roseraie : Aménagée en 2017, la roseraie constitue l'une des créations majeures de ces dernières années. Présentant plus de 2000 rosiers anciens répartis en une soixantaine de variétés, elle est mise en valeur par des chambres végétales composées de 600 jeunes ifs. La dynamique des formes et des couleurs portée par des parfums particulièrement flatteurs confère à la roseraie une atmosphère douce et apaisante dans laquelle le public aime à s'attarder.
Le jardin potager : Aménagé à l'emplacement de l'ancien cimetière du couvent des Frères Picpus (ayant existé de 1609 à 1776), le jardin potager a entièrement été remis en valeur. Les légumes qui y poussent sont cultivés pour la consommation.
Le nouveau jardin français : Dernière création extérieure de Digoine, le nouveau jardin français a été finalisé en 2018 et vient remplacer un ancien théâtre de verdure. Inspiré par les réalisations d'Achille Duchêne, il fut sélectionné parmi une dizaine de propositions. On y trouve diverses espèces dont les rosiers, les pivoines, les dahlias, mais aussi, au centre des parcelles triangulaires, de l'ail décoratif et du cosmos. Installé par le propriétaire, un pot à feu constitue le point central de la réalisation.
Le jardin à l'anglaise : Qualifié de "Très beau parc encadrant une magnifique pièce d'eau" par Jules et Edmond de Goncourt, le jardin à l'anglaise date des années 1750 - 1770. Dessiné par l'architecte Edmé Verniquet ce jardin dit "irrégulier" s'implante de manière radicale à la fin du XVIIIe siècle, rompant avec la "dictature du cordeau" des jardins à la française pour reprendre l'expression d'un certain Jean-Jacques Rousseau… Invitant à la promenade et à la contemplation, le jardin à l'anglaise tend à magnifier la beauté naturelle des paysages par une intervention toute en subtilité derrière laquelle la présence de l'homme se fait oublier. Ici, les allées serpentent entre de grandes pelouses qui bordent l'étang et les parties boisées à la périphérie. Très pittoresque, une cabane à bateau (appelée "boat house" en Angleterre) vient sublimer ce cadre particulièrement apaisant.