- Origines présumées du nom de "Montmagny" : Sur l'origine du nom de la commune, les sources font cruellement défaut et les avis divergent. Certains auteurs y voient une origine latine, d'autres celte ou bien encore scandinave. Aussi contentons-nous de présenter quelques hypothèses pour tenter d'élucider l'origine du nom de Montmagny. D'après certaines sources, le nom de Montmagny proviendrait de la locution latine Mons Magniacus. Le mot Mons désignerait une proéminence, autrement dit un mont. Effectivement, la butte Pinson - telle qu'elle se nomme aujourd'hui - domine bien la commune de ses hauteurs boisées. Mais selon certains archivistes paléographes, spécialistes des textes anciens, le mot Mons peut également désigner un lieu habité ou mis en culture, ce qui pouvait être le cas à Montmagny dès l'Antiquité. Quant au mot Magniacus, il pourrait dériver d'une autre locution latine signifiant "magnifique", elle-même dérivée de magnus qui veut dire "grand". Partant de là, Mons Magniacus pourrait alors signifier "Propriété du Magnifique", titre qu'aurait pu porter un seigneur local possédant des terres sur l'actuel territoire de Montmagny. Il s'agit là d'une première hypothèse. Robert Béthencourt-Devaux, premier essayiste à avoir publié une étude sur Montmagny, se risque à proposer une origine scandinave. En effet, selon lui des envahisseurs venus du Nord auraient occupé l'actuelle Butte Pinson lors des grandes invasions ayant précipité la chute de l'empire romain décadent. Il est vrai que cette position stratégique offrait un point de vue incomparable sur Lutèce (ancien nom de Paris) pour préparer son invasion. Cette hypothèse est à considérer avec beaucoup de réserve puisque l'auteur ne cite aucune source fiable pouvant l'étayer. De plus, aucun vestige archéologique ne fut exhumé sur la butte Pinson permettant d'étayer cette thèse. Maurice Gachelin, également auteur d'un ouvrage sur l'histoire de Montmagny, se montre plus réservé quant à l'interprétation que l'on peut tirer des anciens noms portés par la commune. L'origine latine du nom lui semble toutefois plus probable. Selon lui, Mons Magniacus, tel qu'on peut le lire dans un document du XIe siècle, désignerait un terrain cultivé entre deux hauteurs puisque l'on peut traduire Mons par "colline" et Magniacus par "champ". De toute évidence, aucune des hypothèses formulées jusqu'à présent n'est suffisamment convaincante par manque de sources suffisantes et parfaitement fiables. Ainsi, si l'on a longtemps cru que Montmagny signifiait "Grand Mont", c'est en raison d'une traduction erronée que fit un moine au XIIIe siècle du mot Montmagni qu'il prit pour une locution latine dérivée de Mons Magnus signifiant littéralement "Mont Grand". Cette erreur fut révélée en 1883 par l'abbé Lebeuf, auteur en 1883 d'une Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris. René Cochelin et Marie-France Lecuir signalent également cette erreur de traduction dans leur ouvrage tiré de la monographie d'un ancien instituteur magnymontois. En étudiant les rares sources médiévales mentionnant le nom de Montmagny, on constate que son orthographe évolua au fil du temps, perdant sa consonance latine au profit d'une francisation plus appuyée. De Montem Magniacum ou Monte Magniaco à la fin du XIe siècle en passant par Monmagnie en 1243, on arrive à Monmeignia en 1293 pour aboutir à Montmegnie en 1308. Dans des documents médiévaux non datés et étudiés par Hippolyte Cocheris, auteur d'un Dictionnaire des anciens noms des communes de Seine-et-Oise, on trouve encore d'autres orthographes : Mommegina, Mommegnia, Mons menia, Montmeignia. L'orthographe actuelle semble finalement s'imposer au crépuscule du Moyen Age. Le plus ancien document conservé aux archives municipal, le registre paroissial de 1550, porte bien le nom de Montmagny dans l'orthographe que nous lui connaissons aujourd'hui.
- Les armoiries de la commune : Le blason de la ville de Montmagny a une origine bien plus récente que le nom de la commune. En effet, le 4 décembre 1943, le conseil municipal chargea officiellement Robert Lasne, ancien employé communal, de mener des recherches sur l'histoire de Montmagny en vue de proposer un projet de blason. La Société de documentation des amis de la Bibliothèque nationale fut également mise à contribution. L'état lacunaire des sources ne permet pas de connaître le résultat de ses recherches ni de savoir s'il fut en mesure de proposer une esquisse de blason. On sait seulement qu'en janvier 1945 Robert Lasne perçut une indemnité substantielle en compensation du travail fourni. Le blason a certainement du être employé au lendemain de la guerre puisqu'il figure sur un imprimé municipal de 1949 conservé aux archives communales. La description héraldique du blason de Montmagny est la suivante : "D'or à la face d'azur chargée de trois molettes d'éperon du champ, accompagnée de trois groupes de coquerelles de gueules, à la bordure aussi de gueules chargée de huit pivoines d'argent". Si la création du blason communal est récente, elle s'inspire néanmoins en grande partie des armoiries de la famille Huault, originaire de Touraine, dont plusieurs seigneurs présidèrent aux destinées de Montmagny. Un élément graphique important, ne figurant pas sur le blason des Huault, fait implicitement référence aux traditions agricoles magnymontoises du XXe siècle : les pivoines. Les remparts et les trois tours crénelées surmontant le blason pourraient évoquer l'ancien château de Montmagny. Enfin, il n'est pas du tout certain que la devise latine figurant sous le blason - Acta non verba (des actes, pas des paroles) - soit celle de la famille Huault. C'est une devise assez commune que plusieurs familles nobles portèrent durant des siècles dans de nombreuses régions. Le blason des Huault servit également de modèle à celui de la ville de Montmagny, au Québec, qui fut fondée par Charles Huault et dont la devise est "En avant".
- Les personnages célèbres de Montmagny ou ayant marqué son histoire :
- Suzanne Valadon (peintre) : Après des débuts au cirque, Suzanne Valadon (1867-1938) devient le modèle de plusieurs peintres dont Degas, Renoir et Toulouse-Lautrec. Tout en posant, elle observe leur technique puis se met à réaliser elle-même ses propres tableaux, aussi bien des natures mortes que des paysages et des nus. De nature perfectionniste, elle est capable de travailler plusieurs années sur un même tableau avant de l'exposer. Dans les années 1890, ses premières expositions comptent principalement des portraits, dont celui d'Erik Satie. Dès lors, elle connaît un certain succès et commence à vivre de son art. Esprit libre et fantasque, elle collectionne les amants. L'un d'entre eux lui donnera un fils avec lequel elle vivra quelques années à Montmagny et qui deviendra un peintre de réputation mondiale : Maurice Utrillo. Mariée en 1896 avec un agent de change, elle le délaisse en 1909 au profit d'un jeune éphèbe, André Utter, avec lequel elle entretient une relation aussi tumultueuse que durable. Ayant bien vécu de son art et obtenu la reconnaissance tant de ses pairs que du public, elle s'éteint en 1938. En 1958, la Rue du Bois à Montmagny changea de patronyme au profit de celui de Suzanne Valadon.
- Maurice Utrillo (peintre) : Fils de Suzanne Valadon et reconnu tardivement par un des amants de sa mère, Maurice Utrillo (1883-1955) délaisse très vite l'école pour s'adonner à un démon qui l'accompagnera jusqu'à sa mort : la boisson. Tentant vainement de le détourner de la bouteille qui le rend psychologiquement instable, sa mère lui apprend à peindre pendant leur séjour à Montmagny. Le jeune homme arpente alors la commune dont il immortalise sur ses toiles les rues, la campagne, les carrières, l'église et les lieux de loisirs de la butte Pinson. Une vocation est née. Dès lors, il ne cesse de peindre les paysages de la banlieue et de Montmartre, entre deux crises de démence qui le conduisent à l'asile. Souvent plagié, il produit des milliers de tableaux et parvient à vivre de la peinture à partir des années 1930. Comme sa mère, il connaît le succès de son vivant, recevant même la Croix de la Légion d'honneur. Il épouse en 1953 Lucie Valore qui veillera sur sa santé et sur sa carrière jusqu'à sa mort en 1955. Peintre inclassable à jamais associé à Montmartre, il laisse une oeuvre importante exposée aussi bien à Paris qu'à Londres, New York, Tokyo… et même à Sannois où un musée lui est consacré. En 1958, son nom a été donné à une avenue de Montmagny.
- Le général Leclerc (militaire) : A jamais associé à la libération du pays, le général Leclerc (de son vrai nom Philippe François Marie, comte de Hauteclocque, 1902-1947), jouit d'une popularité hors norme pour un militaire, ce qui explique que son nom soit porté par de nombreuses rues et places de France. Mais il laisse un souvenir encore plus important à Montmagny puisque l'un des détachements de sa 2ème DB libèra la commune le 27 août 1944 après d'âpres combats au fort de la butte Pinson où il installa son poste de commandement. Cette unité resta cantonnée deux semaines à Montmagny, notamment au séminaire, et plusieurs de ses hommes revinrent après guerre épouser des magnymontoises. Leclerc lui-même revint en 1947 présider une cérémonie du souvenir à l'endroit même où la commune fera édifier un monument à sa gloire en 1953. En un ultime hommage, la commune donna son nom à une villa. Quant à la place de la salle des fêtes, elle devint la place de la Division Leclerc.
- Robert Foulon, Jean Missout, Roger Quille (résistants) : Durant la seconde guerre mondiale, de jeunes Magnymontois accomplirent des actions de Résistance qu'ils payèrent de leur vie, tel Robert Foulon, âgé de 17 ans, fusillé le 11 juin 1944 dans les Hautes-Pyrénées. Jean Missout et Roger Quille, réfractaires au Service du Travail Obligatoire en Allemagne, s'engagèrent dans les Francs-Tireurs et Partisans Français et prirent part à diverses actions clandestines. Roger Quille, dont on connaît le mieux le parcours, attaqua un autobus allemand à Paris en janvier 1943. Puis il participa à plusieurs déraillements de train, notamment à Franconville et Saint-Ouen-l'Aumône. Suite à une trahison, ils furent tous deux arrêtés les 14 et 15 janvier 1944, incarcérés à la prison de Fresnes, et fusillés le 2 juin 1944 au Mont-Valérien avec onze de leurs camarades. Immédiatement après la Libération, le Conseil municipal décida d'honorer ses trois héros de la Résistance en donnant leur nom à des rues de la commune.
- Charles Grimaud (martyre de la Libération) : Charles Grimaud habitait avec sa famille dans une maison située sur la Butte Pinson qui fut occupée quelques années par Suzanne Valadon et Maurice Utrillo, tous deux peintres de renommée internationale. Le destin de ce jeune Magnymontois bascula pendant la Libération. Le 26 août 1944, en représailles à plusieurs attentats perpétrés dans le secteur par la Résistance, un détachement allemand stationné sur la butte Pinson enferma des otages civils dans la salle de bal du café Daubercies (actuellement le Poney Club). Tant du côté allemand que français, la tension était à son comble, notamment en raison de la venue imminente des troupes de libération. Des escarmouches eurent lieu aux abords de la Redoute de la butte Pinson, entre résistants et soldats allemands. C'est pendant cette période d'extrême confusion que le jeune Charles Grimaud trouva la mort, avec un autre compagnon d'infortune. Le pavillon de sa famille fut détruit à la grenade par les troupes d'Occupation, ensevelissant trois personnes qui échappèrent à la mort grâce à l'intervention des pompiers de Montmagny. En mémoire de ce triste épisode, le nom de Charles Grimaud, tué la veille de la Libération de la commune, fut donné non seulement à une rue mais aussi au stade municipal construit après guerre. Son père, André Grimaud, fut maire de Montmagny de 1945 à 1965.
- André Peytavin (homme politique) : André Peytavin (1926-1964), né en Roumanie, passa une partie de son enfance à Montmagny où sa mère officiait comme secrétaire du conseil municipal, en plus d'être institutrice à Deuil-la-Barre. Le jeune Peytavin poursuivit de brillantes études de médecine puis devint vétérinaire. Il officia en Afrique et dirigea notamment le très réputé laboratoire de biochimie physiologique et médical de Hann. Il s'engagea très tôt en politique et adhéra au MRP (Mouvement républicain populaire auquel appartenait aussi l'Abbé Pierre). En 1957, sur proposition du poète et président Léopold Sedar Senghor, il devint ministre des finances du Sénégal, à seulement 31 ans. Il fut le premier européen à occuper cette fonction dans un pays d'Afrique Noire après la décolonisation. Quelques années plus tard, il opta pour la nationalité sénégalaise afin de témoigner son attachement à ce pays pour lequel il s'investissait sans compter. Homme cultivé et amoureux de la langue française, il milita aux Nations-Unis pour l'utilisation du Français comme langue de travail dans les organismes internationaux au même titre que l'Anglais. Après sa mort, la rue de la plante des champs faillit être débaptisée pour porter son nom. Bien que le projet fut proposé au Conseil Municipal le 19 mai 1964, il n'y eut aucune suite sans que l'on en connaisse les raisons.
- Enfin, parmi toutes ces personnalités, on doit surtout retenir Charles Huault de Montmagny, qui fut le premier gouverneur en titre de la Nouvelle-France (Canada). Charles Huault de Montmagny est issu d'une famille originaire de la région d'Azay-le-Rideau, en Touraine, dont l'ascendance noble remonterait au règne de Philippe le Bel. La plupart des ancêtres de Charles Huault remplirent des fonctions importantes - notamment dans la magistrature - et jouirent à la fois d'une solide notoriété et d'importants revenus. Les Huault, dont le patronyme viendrait de leur fief de la Huauldière, possèdent au XVIIe siècle de nombreux domaines en Ile-de-France : à Bussy-Saint-Martin, Deuil, Epinay, Groslay, Mesnil-Aubry, Montreuil, Saint-Brice, Sarcelles et Vaires. En 1448, ils prêtèrent serment d'allégeance aux Montmorency - auxquels ils restent liés jusqu'à l'extinction de la lignée en 1699 - pour les terres qu'ils possédaient à Montmagny et dans les environs. Charles Huault, baptisé à Paris le 11 mars 1601, passe vraisemblablement son enfance à Paris où son père officie, ponctuée de séjours au château de Montmagny. De 1610 à 1618, il suit l'enseignement des Jésuites au collège de La Flèche, dans la Sarthe, en compagnie de son frère aîné, Adrien. Ce passage chez les Jésuites est primordial pour comprendre le sens que Charles Huault donnera à sa vie et à sa carrière. En effet, les Jésuites insistent auprès de leurs élèves sur la nécessité de servir Dieu et d'accomplir des actions honorables et désintéressées. Toute sa vie, Charles Huault fera preuve d'une grande piété et cherchera à défendre la chrétienté, en témoigne son entrée dans l'Ordre de Malte au sein duquel il ne cherchera jamais à s'enrichir. Par ailleurs, les Jésuites multiplient les missions en vue d'évangéliser les peuplades lointaines, aussi bien en Asie qu'en Amérique. Ainsi, lorsque Charles Huault entame ses études au collège de La Flèche, une communauté jésuite s'établit au Paraguay, une autre en Acadie. Il y rencontre aussi un prêtre revenant d'Amérique du Nord avec lequel il tisse des liens. Ces exemples influenceront certainement le destin du jeune homme puisqu'il passera toute sa carrière hors de France, en Méditerranée d'abord, au Québec ensuite, aux Antilles enfin. Au sortir du collège en 1618, Charles Huault passe quelques mois à Paris avant de s'inscrire en 1619 à la faculté de droit de l'université d'Orléans, suivant ainsi le modèle familial. Il n'y reste que onze mois, pas assez longtemps pour devenir avocat. Mais sa formation juridique allait certainement lui servir dans sa future carrière québécoise d'administrateur. Enfin, à l'image d'autres jeunes Français de son temps et de son rang, il effectue un voyage initiatique en Italie entre 1620 et 1621, sans doute pour des raisons religieuses et culturelles. Le 1er juillet 1622, Charles Huault scelle son destin en quittant Paris pour gagner l'île de Malte afin d'entrer dans l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Créé en 1060 dans le but originel de soigner les pèlerins chrétiens en Terre Sainte, alors sous domination musulmane, cet ordre religieux se militarise après la prise de Jérusalem par les croisés en 1099 afin de participer à la défense du territoire nouvellement conquis. Après la perte de la Terre Sainte par les Chrétiens en 1291, l'Ordre quitte Jérusalem pour s'installer à Chypre puis à Rhodes et enfin à Malte. Il constitue alors une puissante flotte de guerre pour protéger les intérêts chrétiens en Méditerranée. L'Ordre combat notamment les barbaresques, des pirates basés en Afrique du nord, de Tripoli, en Libye, à Salé, au Maroc, qui rançonnent les navires marchands et pratiquent la traite d'esclaves. Au XVIIe siècle, de nombreux cadets de nobles familles françaises s'enrôlent dans l'Ordre de Malte pour participer à des "caravanes", des expéditions maritimes visant à anéantir les barbaresques. Pour entrer dans cet ordre prestigieux où les places sont convoitées, Charles Huault doit se soumettre à une enquête longue et minutieuse. Le rapport rendu par les enquêteurs, qui se sont rendus à Montmagny pour entendre des témoins de moralité, confirme l'ancienneté de l'ascendance noble des Huault. Autorisé à entrer dans l'Ordre, Charles Huault accoste au port de La Valette, à Malte, le 3 août 1622, et commence son noviciat. Il prononce alors les trois voeux rituels du chevalier, "pauvreté, chasteté, obéissance", qu'il respectera toute sa vie durant. Sitôt entré dans l'Ordre de Malte, Charles Huault suit une formation d'un an alliant plusieurs disciplines : religion, médecine, art de la guerre et de la navigation, histoire de l'Ordre et étude de son règlement. En 1623, Charles Huault participe à sa première "caravane" pour le compte de l'Ordre de Malte et débute ainsi sa carrière de "corsaire pour le Christ" (selon l'expression de l'historien québécois Jean-Claude Dubé, auteur d'un excellent ouvrage sur Charles Huault). De 1623 à 1636, il aurait passé 114 mois en mer et participé à cinq caravanes et deux courses. En 1626, Charles Huault achète son premier navire, une patache répondant au nom de Saint-Jean-Baptiste, probablement un deux-mâts rapide et souple à manoeuvrer donc particulièrement adapté à la guerre de course. Parti de Malte au début du mois de septembre 1626, il y revient autour de Noël avec, semble-t-il, un butin conséquent. Encouragé par le succès de sa première expédition, Charles Huault en prépare une nouvelle, de plus grande envergure si l'on en juge par les emprunts qu'il contracte. Parti de Malte en avril 1627, il y revient victorieux vers la fin de l'été à en croire Michel Baudier (1589-1645), soldat devenu historien auteur d'un Inventaire de l'histoire générale des Turcs. Dans cet ouvrage paru en 1631, il rapporte la victoire navale de Charles Huault en des termes grandiloquents : "Un Bassa [pacha] avec trois galères et six vaisseaux rencontrant à cinquante lieues d'Alexandrie un vaisseau de Malte commandé par le chevalier de Montmagny Parisien, le combattit pendant cinq heures durant sans le pouvoir prendre, le vaisseau partit à sa face du milieu de ses galères, et remporta à Malte, l'honneur et le butin qu'il avait acquis sur les Turcs". Derrière ce récit haut en couleurs se cache une réalité moins épique : s'il est vrai que la bataille semble bien avoir eu lieu à 150 miles marins au nord d'Alexandrie, vraisemblablement le 6 août 1627, et que Charles Huault en soit sorti indemne, ce n'est certainement pas sans conséquences financièrement fâcheuses. En effet, à son retour il ne parvient pas à rembourser les dettes contractées auprès de 44 créanciers dont certains menacent de le mener devant la justice. Ce fait atteste qu'il n'a pas remporté de butin de sa course. Malgré tout, le fait d'armes de Charles Huault demeure un exploit. Il a su résister à un ennemi supérieur en nombre et ramener son navire à bon port, quoique fort avarié selon les sources maltaises. Cet exploit va être connu en France et va contribuer à faire évoluer la carrière de Charles Huault de manière significative. En effet, au XVIIe siècle, la France souffre d'un certain retard dans deux domaines : sa marine et sa capacité à développer le commerce avec ses colonies. Pour remédier à cette situation, le cardinal de Richelieu s'en remet à Isaac Razilly, chevalier de l'Ordre de Malte. Celui-ci préconise de fonder des colonies, en Amérique notamment, et d'établir des compagnies commerciales à monopoles. Le 29 avril 1627, Richelieu fonde la Compagnie de la Nouvelle-France dans le but de coloniser les possessions françaises en Amérique du nord et d'y organiser le négoce au profit de la métropole. Pour mener à bien son ambitieuse mission, la Compagnie de la Nouvelle-France a besoin d'hommes expérimentés, courageux, ayant l'habitude de commander et l'expérience de la navigation. Ce n'est donc pas un hasard si le chevalier Charles Huault entre à son service en 1632 puisque son expérience au sein de l'Ordre de Malte en fait l'homme de la situation. Rapidement, Charles Huault devient l'un des directeurs de la Compagnie. Cependant, son service le retenant à Malte, il ne peut participer activement au fonctionnement de la Compagnie. Aussi, le 11 juin 1634, il obtient du grand maître de l'Ordre de Malte la permission de rentrer en France. Il n'y restera pas longtemps puisqu'il rejoindra le Canada l'année suivante. Depuis 1619, le commandement de la Nouvelle-France était placé sous l'autorité de Samuel de Champlain, lieutenant de Richelieu. Les nouvelles concernant sa santé n'étant guère rassurantes, la Compagnie de la Nouvelle France propose à Richelieu de le remplacer par Charles Huault de Montmagny. Celui-ci est nommé premier gouverneur en titre de la Nouvelle-France le 15 janvier 1636. Arrivé à Québec le 11 juin 1636, il se rend à l'église où l'on chante le Te Deum puis se fait immédiatement remettre les clés du fort Saint-Louis des mains de Marc-Antoine Brasdefer de Châteaufort. Le territoire qu'il doit administrer est très vaste mais également faiblement peuplé : Québec ne compte que 320 habitants environ, parmi lesquels des hommes de la Compagnie, des Jésuites, des soldats, quelques artisans et paysans. Quant aux Amérindiens, ce sont essentiellement des nomades difficilement dénombrables : on estime leur nombre à 100 000. L'économie de la colonie n'est guère florissante et repose essentiellement sur le commerce des fourrures, de castor principalement. L'agriculture est peu développée en raison de la lenteur du défrichement. La première tournée d'inspection de Charles Huault lui permet de mesurer les conditions de vie difficiles des colons et le travail qui l'attend. Le climat tranche singulièrement avec celui de la Méditerranée auquel il était habitué : l'hiver est froid et humide, et la glace interdit toute navigation sur le fleuve menant à Québec, ce qui en empêche le ravitaillement depuis l'océan. A cela s'ajoute l'hostilité des tribus amérindiennes de plus en plus pressante. Alors, de retour à Québec, Charles Huault réorganise la défense militaire de la colonie. Il prend aussi une série de mesures pour re-dynamiser le commerce des fourrures, principale source de revenus de la colonie. Son action se porte aussi sur la pratique de la religion qui est au coeur de sa vie - il est reconnu pour sa grande piété - et de ses préoccupations. Ainsi porte-t-il ses efforts sur l'évangélisation pacifique des Amérindiens en s'appuyant sur les Jésuites. Cette longue et fastidieuse mission, à laquelle il s'atèle avec ferveur, est relatée dans les Relations que les Jésuites rédigent à partir de 1632 pour rendre compte de leur travail apostolique en Nouvelle-France : ils y louent les efforts entrepris par Charles Huault pour les aider dans leur tâche. Pour seconder les Jésuites, Charles Huault entreprend de faire venir au Canada des congrégations religieuses. En 1639, deux communautés débarquent de France pour participer au bien-être tant matériel que spirituel des populations européennes et amérindiennes : les Ursulines de Tours conduites et les Hospitalières Augustines. Parallèlement, il veille au strict respect de la pratique religieuse parmi les colons. Ainsi, une semaine seulement après son arrivée à Québec en 1636, il promulgue une ordonnance interdisant, sous peine de sanction, le blasphème et l'absence de service liturgique. Mais Charles Huault est aussi un soldat. Aussi, à peine installé à Québec, Charles Huault entreprend de fortifier la ville et d'installer quelques avant-postes afin de prévenir les attaques amérindiennes. Il s'attache aussi à établir de cordiales relations avec les tribus avoisinantes, notamment les Hurons, tant pour faire prospérer le commerce des fourrures que pour faciliter leur évangélisation. Mais à partir de 1639, les Hollandais commencent à troquer aux Iroquois des fusils contre des peaux de castor. Les armes à feu donnent aux Iroquois, rivaux des Hurons, une terrible suprématie militaire, car Charles Huault interdit aux Français de vendre des armes à feu aux Hurons. En 1640, l'affrontement des colons français avec les Iroquois semble inéluctable : ces derniers auraient commis des actes de cannibalisme à l'égard de missionnaires qu'ils auraient capturés. En 1641, forts de l'appui hollandais et en réaction notamment contre l'évangélisation des Hurons, les Iroquois attaquent les Français et leurs alliés algonquins au lieu dit des Trois Rivières. Charles Huault les contraint habilement à quitter leurs positions. Puis il fait édifier à leur insu, en août 1642, un fort à l'embouchure de la rivière Richelieu, axe de circulation privilégié des Iroquois, avec l'appui de quarante soldats fraîchement débarqués de France. Persuadés de jouir d'une terrible réputation, les Iroquois entreprennent le siège de cette place forte. Mais la ténacité des défenseurs français et hurons décourage les assaillants qui finissent par se replier. Cette victoire remportée contre les Iroquois, plus quelques autres, lui aurait valu le surnom indien d'Onontio, qui est la traduction littérale de Montmagny, c'est-à-dire "grande montagne" en latin. Les Iroquois poursuivent cependant les hostilités en commettant quelques raids dans les camps hurons, essentiellement pour kidnapper des femmes afin d'en faire des esclaves. En 1644, la régente Anne d'Autriche envoie à Charles Huault soixante soldats, dont vingt-deux l'accompagnent sur les terres huronnes passer l'hiver pour assurer le ravitaillement des populations et protéger celles-ci contre les raids iroquois. Par sa politique de partenariat économique qu'il développe parallèlement avec certaines tribus amérindiennes, Charles Huault contribue largement à développer le commerce en Nouvelle-France. Mais en contrepartie s'étend le trafic d'alcool que Charles Huault tente d'interdire à cause des ravages que la boisson produit chez les Amérindiens dont l'organisme n'est pas habitué à supporter les effets néfastes de l'alcool. Avec les Iroquois, Charles Huault inaugure une nouvelle ère, celle de la diplomatie. Il libère ceux qu'il avait fait prisonniers en 1644 et les invite à revenir quand ils le désirent. Ce n'est qu'en 1645 qu'une délégation iroquoise répond à son invitation. Les rapports se pacifient, si bien que les deux camps concluent un traité de non-agression à Trois-Rivières. Des échangent ont lieu, des missionnaires sont envoyés chez les Iroquois. Mais le contact des deux civilisations s'avère finalement néfaste : en effet les Européens propagent malgré eux des maladies contre lesquelles les organismes amérindiens n'ont aucune défense immunitaire. Décimés par des germes européens, les Iroquois croient être ensorcelés par des démons et décident de se venger. L'assassinat d'un prêtre à l'automne annonce la reprise des hostilités entre les Iroquois, les colons français et les Hurons. Ces derniers sont pratiquement exterminés en 1648 au moment où Charles Huault regagne la France. Parallèlement à ses activités militaires, Charles Huault fait de son mieux pour administrer la colonie française. Il doit d'abord "commander à tous les gens de guerre" présents sur place "pour maintenir et conserver le négoce" et pour assurer la protection des colons sur lesquels il a le pouvoir de justice. Il doit en outre superviser les activités commerciales pour le compte de la Compagnie de la Nouvelle-France et gérer l'administration de la colonie. La tâche est donc immense pour ce chevalier maltais davantage habitué à naviguer et guerroyer. Charles Huault cumule toutes les fonctions civiles et militaires, ne s'entourant que de quelques auxiliaires : outre son secrétaire et ses lieutenants, on ne compte en effet qu'un greffier et un procureur. Il préside des conseils où siègent des indigènes auxquels il ne cesse de recommander d'éviter la guerre, d'augmenter la traite des fourrures et de bien recevoir les missionnaires. Il entreprend aussi l'édification de fortifications pour protéger les colons, les religieux et les magasins de la Compagnie. Il confie l'esquisse des plans de la ville haute de Québec à Jean Bourdon, ingénieur arpenteur. C'est Huault lui-même qui choisit le nom des premières rues de la ville de Québec où il fait transformer le château Saint-Louis, demeure officielle du gouverneur, en une forteresse de pierre et de brique avec corps de garde. Enfin, Il organise la distribution de terres aux colons fraîchement débarqués. Parallèlement à ses activités d'administrateur, Charles Huault fait entreprendre d'importants travaux de défrichement près de l'Ile-aux-Oies sur le fleuve Saint-Laurent. Le 5 mai 1646, il se voit concéder par la Compagnie de la Nouvelle-France la propriété d'un site nommé la Rivière-du-Sud dont il devient le seigneur. Son domaine, qui inclut des terres entourant la rivière du Sud, l'Ile aux Grues et l'Ile aux Oies, fait une lieue et demie de front pour quatre de profondeur. Le 28 septembre 1646 est signé un bail entre Charles Huault et Jacques Boissel. Ce laboureur d'origine orléanaise devient le responsable de la ferme de Montmagny située sur l'Ile aux Oies où 80 arpents de terres labourables sont exploitées. Charles Huault ne profitera guère de son domaine puisqu'il rentre en France en 1648. Plusieurs explications ont été avancées pour justifier son retour en métropole. Certains affirment que le roi l'aurait rappelé en France parce qu'il serait devenu impopulaire : on peut en douter s'il on se réfère à la correspondance des Jésuites. D'autres pensent qu'il aurait été contrarié par la fondation de Montréal en 1642 au point de ne pas porter au secours aux nouveaux colons qui en auraient averti le roi. L'hypothèse est douteuse si l'on se réfère à Dollier de Casson, premier historien de Montréal, qui affirme que "Le chevalier de Montmagny, étant un véritable homme de coeur, voulut participer à ce premier établissement en l'honorant de sa présence". Enfin, une autre hypothèse repose sur la création de la Communauté des Habitants qui aurait eu pour conséquence la limitation des pouvoirs du gouverneur Charles Huault. Quels que soient les motifs de son départ, Charles Huault ne voit pas sa "commission" reconduite par le roi, sans pour autant être désavoué par celui-ci. Il est remplacé par Louis d'Ailleboust qui connaît bien le pays puisqu'il gouverne Montréal en l'absence de Maisonneuve. Conforme à sa ligne de conduite, Charles Huault se plie aux exigences du roi et ne témoigne aucune aigreur lorsqu'il accueille son successeur le 20 août 1648. Il s'embarque finalement pour la France le 23 octobre 1648, laissant au Québec le souvenir d'un administrateur consciencieux, soucieux du progrès et du bien-être de la population, aussi bien des colons français que des autochtones. Enfin, dernier détail concernant son action au Canada, on prête à Charles Huault le rôle d'avoir introduit le théâtre au Québec en encourageant la représentation d'une tragi-comédie donnée en 1640 au cours de laquelle l'un de ses secrétaires, Martial Piraubé, aurait tenu "avec excellence" le premier rôle. Charles Huault souhaitait en effet que la culture du vieux continent se perpétue en ces terres lointaines. Charles Huault aurait également contribué à introduire en Nouvelle-France le premier cheval européen en s'en faisant offrir un spécimen par la Communauté des habitants en 1647. Selon les Jésuites, les Amérindiens auraient pris ce cheval pour un "élan sans panache venu d'outre-mer". Mais la carrière de Charles Huault ne s'arrête pas là ! A son arrivée en France en 1648, Charles Huault trouve un pays transformé. Celui-ci est désormais dirigé par la régente Anne d'Autriche et le cardinal Mazarin qui sont plus préoccupés par la Fronde et la guerre de Trente ans que par le sort des colonies qui sont gérées par des compagnies de plus en plus incontrôlables et discréditées. Cet état de fait joue un rôle déterminant dans la fin de la carrière de Charles Huault. En effet, la Compagnie des îles d'Amérique, créée par Richelieu, peine à installer son nouveau lieutenant-général à Saint-Christophe, une île des petites Antilles colonisée par les Français à partir de 1625. En effet, le commandeur de Poincy, gouverneur de l'île, refuse de céder son poste à son successeur qu'il renvoie en France sans ménagement. Or, Poincy est chevalier de l'Ordre de Malte, donc un confrère de Charles Huault. Aussi, le Grand maître de l'Ordre confie une mission d'importance à Charles Huault dont la ténacité et la rigueur qu'il a démontrées en Nouvelle-France ont fait forte impression. Il doit rejoindre Saint-Christophe pour représenter le Grand maître, mener une enquête préalable en vue d'acheter l'île, tenter de raisonner Poincy dont le comportement devient inquiétant, et le convaincre de se montrer généreux envers l'Ordre qui a grand besoin d'argent. Charles Huault arrive donc à Saint-Christophe en septembre 1650. Il réussit à s'attirer les bonnes grâces de Poincy qui se laisse persuader de rentrer dans le rang. Parallèlement, la Compagnie des îles d'Amérique vend ses possessions antillaises pour renflouer ses caisses. L'Ordre de Malte se saisit de l'occasion pour acquérir l'île Saint-Christophe dont elle confie la gouvernance à Poincy. Une fois l'affaire Poincy réglée, Charles Huault revient en France pour prononcer ses voeux, c'est-à-dire entrer solennellement et spirituellement dans l'Ordre de Malte. La cérémonie a lieu le 17 juillet 1651 à Paris, en l'église Sainte-Marie dans l'enclos du Temple. Il cesse donc d'être un laïc pour devenir un membre à part entière de cet ordre religieux et militaire. En 1653, Charles Huault retourne à Saint-Christophe pour en prendre officiellement possession au nom de l'Ordre de Malte, transmettre à Poincy son titre de gouverneur perpétuel et assister ce dernier dans la gestion de l'île. Mais il ne peut accomplir sa mission car Poincy, refusant de l'associer au pouvoir, le relègue dans une ferme isolée où il s'éteint le 4 juillet 1657 sans que l'on sache comment il occupa les quatre dernières années de sa vie.